Parce qu’il est appelé à métamorphoser le paysage industriel, les systèmes de productions, ainsi que la manière dont nous travaillons et dont les gouvernements et les entreprises interagissent avec le monde, l’Internet des objets (IoT) est présenté comme « la prochaine révolution industrielle ». À vrai dire, cette révolution est déjà en marche.
Alors, quels changements interviennent et comment les modèles économiques évoluent-ils ? ISOfocus a interrogé David Welsh, Département Normes d’entreprise chez Microsoft, pour aborder la question des normes et de l’Internet des objets ; l’occasion pour lui de passer en revue les opportunités et les enjeux liés à l’adoption de l’IoT, le rôle des normes et la façon dont les entreprises pourraient contribuer à l’essor de l’industrie 4.0.
ISOfocus : L’arrivée de l’Internet des objets suscite l’enthousiasme, mais quels sont les potentiels obstacles à son adoption ?
David Welsh : L’Internet des objets porte en lui la promesse de services nouveaux, de modèles économiques innovants, et de pouvoir tirer parti des données pour tout faciliter, qu’il s’agisse de perfectionner la maintenance prédictive ou d’améliorer l’expérience client en matière d’achat. Un récent rapport du Forum économique mondial révèle cependant que, du fait de la grande complexité et des coûts qui peuvent en découler, l’absence d’interopérabilité, ou de normes, est l’une des principales raisons qui empêche les entreprises d’adopter l’IoT.
Chez Microsoft, nous nous engageons pour les normes et l’interopérabilité de l’Internet des objets, et nous faisons partie de différents consortiums et organismes à activités normatives axées spécifiquement sur l’IoT, tant au niveau national qu’international. Les normes sont essentielles pour garantir l’interopérabilité d’un grand nombre de processus et d’équipements qui représentent des dizaines d’années d’investissement pour de nombreuses entreprises.
Pour aller de l’avant dans le domaine de lʼIoT, quelles sont les autres difficultés pour les entreprises ?
L’interopérabilité est l’une des pièces du puzzle, mais comme le pensent les entreprises mondiales, avec la multiplication du nombre d’entreprises qui connectent leurs dispositifs et leurs actifs pour créer de la valeur, la question de la sécurité va devenir primordiale. Chez Microsoft, nous sommes convaincus que les normes sur l’IoT devraient couvrir un certain nombre de questions cruciales (sécurité cyber-physique, « préavis et consentement », pertinence mondiale des normes IoT, et alignement avec les stratégies IoT d’autres pays et les engagements commerciaux internationaux).
Dans les prochaines années, il y aura un changement d’échelle au niveau des « objets » connectés. Selon Gartner, 6,4 milliards d’objets connectés seront utilisés cette année, et plus de 20 milliards d’ici 2020. Avec la croissance exponentielle des dispositifs et des actifs connectés, la question de la sécurité de l’IoT soulève des inquiétudes. Contrairement à la sécurité informatique classique, axée sur la sécurisation des logiciels et des données, avec l’IoT, la sécurité doit porter à la fois sur les logiciels et sur les matériels informatiques (c’est ce que l’on appelle la sécurité cyber-physique). La protection des solutions IoT exige de garantir la fourniture sécurisée des dispositifs, la sécurisation de la connectivité entre ces dispositifs et le Cloud, et la protection des données sensibles dans le Cloud lors de leur traitement et de leur stockage.
Comment s’articulent la normalisation et l’IoT ? Comment les futures normes sur l’IoT devraient-elles être élaborées ?
L’élaboration de normes ouvertes, d’application volontaire, fondées sur le consensus et pertinentes au niveau mondial joue un rôle de premier plan pour que le marché de l’IoT soit solide et compétitif. Les normes sont particulièrement cruciales pour l’IoT car elles jettent les bases de l’interopérabilité, indispensable pour garantir la compatibilité des nouveaux systèmes IoT et des technologies classiques.
L’élaboration de toute nouvelle norme sur l’IoT doit se faire en collaboration avec l’industrie. L’ouverture et l’interopérabilité entre les matériels informatiques, les logiciels et les services permettront aux entreprises comme aux autorités gouvernementales de transformer leur mode de fonctionnement. Les normes dans ce domaine doivent refléter le fait que l’IoT repose sur des fonctions appartenant à la fois aux technologies de l’information (TI) classiques et aux technologies d’exploitation (TE) habituelles.
Les organismes à activités normatives devraient donc élaborer, si nécessaire, et adopter, le cas échéant, des interfaces ouvertes, des architectures et des modèles de référence alignés sur les TI et les TE. Dans le cas, par exemple, de la fabrication intelligente, les normes existantes doivent être amendées pour permettre le plein développement de technologies industrielles avancées, en particulier dans les domaines de la sécurité cyber-physique, des services de fabrication basés sur le Cloud, de l’intégration de la chaîne d’approvisionnement, et de l’analyse des données.
Aujourd’hui, les normes disponibles – ISO/IEC 27000 (sécurité de l’information), ISO/IEC 28000 (sûreté de la chaîne d’approvisionnement), et IEC 62443 (systèmes d’automatisation et de commande industrielles) – doivent être examinées en bloc, de manière intégrée, afin d’ouvrir la voie aux opportunités offertes par la fabrication intelligente.
Dans l’immédiat, quels problèmes spécifiques devront être réglés pour obtenir l’adhésion des fabricants, en particulier des gros fabricants qui adoptent des approches différentes ?
Pour rester compétitifs et offrir une plus grande valeur ajoutée à leurs clients, les fabricants sont face à des difficultés sans précédent. Ils doivent être en mesure de connecter un large éventail d’équipements et de logiciels qui représentent souvent des investissements de plusieurs décennies. Si bon nombre d’entre eux sont conscients du potentiel qu’offre l’IoT pour relever ces défis, ils ont besoin, pour aller dans cette voie, d’une plateforme ouverte et sécurisée, capable de fournir l’ensemble des services indispensables pour offrir des solutions complètes.
Comment l’IoT change-t-elle la vie aux États-Unis ?
Beaucoup de personnes associent pour l’instant l’« Internet des objets » à l’achat de technologies prêt-à-porter, comme les moniteurs d’activité physique, ou de produits destinés à la domotique, tels que les thermostats. Cela étant dit, si aux USA, certaines personnes utilisent sciemment l’IoT avec l’électronique vestimentaire ou la domotique, nombreux sont ceux qui n’en ont pas conscience. C’est précisément sur ce point que de nombreuses entreprises mettent à profit la puissance de l’IoT pour améliorer l’expérience des consommateurs – même si ces derniers n’en sont pas réellement conscients.
Voilà, dans un certain sens, le véritable « IoT », où les entreprises qui ont su gagner votre confiance peuvent trouver une fantastique occasion de vous faciliter la vie. Microsoft travaille avec bon nombre de ces entreprises, notamment Gojo Industries, l’inventeur du désinfectant pour les mains Purell, en surveillant avec l’Azure IoT Suite de Microsoft, que l’hygiène des mains soit bien respectée dans les hôpitaux pour mieux protéger les patients contre les microbes, ou encore Rockwell Automation, qui utilise Azure IoT et les technologies liées aux données (y compris Power BI, un outil de veille stratégique) pour automatiser la collecte et l’analyse de données d’installations lointaines de la chaîne d’approvisionnement du pétrole.
Comment voyez-vous l’évolution de l’IoT dans les dix années à venir ? Selon vous, comment les normes pourront-elles résoudre certains des problèmes complexes de l’IoT ?
À court terme, l’IoT fournira la « trame » d’interconnexion qui rendra possible la transformation des marchés de l’industrie et de la distribution. Le flux de données de la périphérie du réseau vers le noyau central ouvre une nouvelle ère où l’intelligence artificielle, grâce à la télémesure en temps réel, dans le monde réel, bouleverse les pratiques conventionnelles de l’industrie dans le monde entier, en transformant, par exemple, nos modes de transport, et en nous permettant de construire des véhicules plus sûrs, tout en augmentant la productivité des usines pour une industrie plus compétitive.
LʼIoT a la capacité d’améliorer notre mode de travail comme notre mode de vie.
Stimulé par la connectivité numérique, l’informatique en nuage et la puissance nouvelle de l’analyse des données appliquée aux machines, le mouvement de l’IoT a la capacité d’améliorer notre mode de travail comme notre mode de vie dans les dix années à venir de manière aussi significative que l’ont fait, en l’espace de 60 ans, l’informatique grand public, puis l’Internet.
Au cours de la prochaine décennie, à mesure qu’ils relèveront les défis posés par les questions d’infrastructure et de connectivité, les fabricants commenceront à mettre à profit les nouvelles capacités offertes par les améliorations de l’IoT et l’analyse sophistiquée des données. Quand les fabricants auront élargi leur horizon au-delà des usines pour assurer l’intégration avec des partenaires commerciaux externes, des villes et des bâtiments intelligents, les activités de normalisation aborderont alors les domaines de l’intégration sémantique, l’interopérabilité au travers de différents écosystèmes et domaines d’activité verticaux, et le management sécurisé des données. Les initiatives pilotées par l’industrie sont les plus prometteuses pour surmonter, à l’avenir, une telle complexité.