Soins de santé : l’IA, moteur de l’innovation

Un expert de premier plan de l’informatique de santé nous éclaire sur les nombreux défis et opportunités associés à l’IA dans le domaine de la santé. 

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Michael Glickman
PDG de Computer Network Architects et Président de l’ISO/TC 215 pour l’informatique de santé

 

En matière de santé, l’intelligence artificielle (IA) est en passe de changer la donne en contribuant au renforcement des capacités de prise de décision, à l’amélioration de la qualité des soins et à la réduction des coûts. À l’ère des superordinateurs et des avancées technologiques, le secteur de la santé génère de grandes quantités de données que l’IA est capable de traiter et d’analyser pour en extraire des informations précieuses.  

Une question se pose cependant : faisons-nous bon usage de ces données ? Selon moi, nous avons besoin de nous appuyer sur des données de meilleure qualité, et non sur plus de données. Nous disposons en effet de nombreuses données, mais la plupart d’entre elles ne sont guère utiles dans la mesure où elles ne sont pas traduites en informations pertinentes. Si, par exemple, nous décidons d’utiliser l’IA pour établir des prévisions et recommandations précises, nous avons besoin de données de haute qualité susceptibles de nous fournir des informations.  

Des soins de santé personnalisés 

En tant que spécialiste des questions relatives aux TI appliquées à la santé, j’ai vu l’informatique de santé évoluer au cours des 35 dernières années. Celle-ci consiste à tirer parti des technologies de l’information pour influer de manière positive sur la relation patient-médecin au travers de la collecte, du stockage, de la normalisation et de l’analyse des données de santé effectués de manière adéquate. Comment cela fonctionne-t-il ? Les dossiers de santé électroniques (DES), par exemple, recueillent l’ensemble des données pertinentes d’un patient, de sorte que lorsque celui-ci va consulter son médecin ou se rend à l’hôpital, toutes ses informations médicales sont immédiatement disponibles sous forme numérique.  

Les dossiers sont à jour et sécurisés, ce qui facilite la coordination des soins entre établissements et prestataires de soins de santé. Ce type de collecte rigoureuse de données permet d’extrapoler à partir de populations entières, autrement dit dans le sens inverse, afin d’identifier les points communs entre différents groupes, comme les personnes diabétiques ou à risque de le devenir. Tout cela laisse présager une évolution vers des soins de santé personnalisés (à savoir la médecine de précision).  

Éliminer les biais de l’IA 

Je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’attendre très longtemps avant de pouvoir adapter les plans thérapeutiques et de prévention à un individus en fonction de facteurs tels que la génétique, l’âge, le mode de vie et l’environnement. Comme pour d’autres technologies et avancées, plus le programme de soins est personnalisé, plus l’issue est positive pour le patient et plus sa prise en charge est efficace sur le plan des coûts. 

Si l’avenir s’annonce prometteur, il nous faut encore relever des défis de taille s’agissant de la mise en œuvre de l’IA dans le domaine de la santé. Une partie du problème consiste à éliminer les biais, lesquels se manifestent sous de multiples formes, y compris les biais issus d’un ajustement ou d’une omission. Les modèles comportant des biais risquent d’exacerber les disparités sociales, voire de provoquer des décès. Je tiens cependant à souligner qu’il s’avère parfois bénéfique en termes de soins de s’appuyer sur un algorithme comportant un biais. Voici un exemple concret : le fait d’avoir plus de 65 ans pendant la pandémie de COVID-19 s’est révélé un important biais qu’il convenait de prendre en compte dans le suivi et le traitement des patients. 

Vers une définition de l’IA 

L’IA suscite beaucoup d’intérêt du fait de son potentiel en termes d’économies et d’amélioration de la qualité des soins. On investit toujours plus dans l’IA dans le domaine médical, mais le secteur de la santé évolue lentement et nombre de problèmes doivent être résolus avant que l’IA ne soit réellement appelée à prendre son essor, ce qui est d’ailleurs souhaitable. Selon moi, l’une des principales pierres d’achoppement tient au fait qu’il n’existe pas à ce jour de définition unique et acceptée de l’IA.  

Pour le médecin, l’IA renvoie à un ensemble de méthodes de calcul permettant de créer des systèmes exécutant des tâches qui nécessiteraient normalement l’intervention de l’intelligence humaine. Ces méthodes couvrent notamment la reconnaissance d’images et le traitement du langage naturel. J’ai entendu à maintes reprises l’expression « intelligence augmentée », qui renvoie à la possibilité d’améliorer les capacités de l’être humain en termes de prise de décision, lorsque celles-ci sont associées à des méthodes de calcul. On s’éloigne ainsi du terme « artificielle » mais, du point de vue du médecin, l’IA doit permettre de l’aider dans sa prise de décision. 

L’IA au service de la médecine de précision 

Selon un rapport de l’Organisation mondiale de la Santé, l’IA est très prometteuse en ce qui concerne l’amélioration des soins de santé et de la médecine partout dans le monde, à condition toutefois que l’éthique et les droits de l’homme soient au cœur de sa conception, de son déploiement et de son utilisation. L’IA est-elle appelée à remplacer les humains dans le domaine de la santé ? Cela me semble peu probable. En revanche, et nous le constatons déjà dans une certaine mesure, nous évoluerons vers une relation de travail entre l’humain et l’IA.  

Face à l’introduction progressive des technologies de l’IA dans tous les domaines de la médecine, les organismes de réglementation devront envisager de multiples approches pour assurer la sécurité de l’IA appliquée aux soins de santé, et cela inclut les Normes internationales. Il est indispensable d’établir une terminologie, une taxonomie et des définitions communes afin que médecins et organismes de réglementation parlent le même langage que les experts techniques. Ces normes permettront d’orienter l’utilisation future de l’IA afin d’assurer l’interopérabilité et la transparence des systèmes d’IA, et d’éviter les biais et les disparités. Le non-déterminisme en matière d’apprentissage automatique et les « hallucinations » des grands modèles de langage (LLM) sont autant de défis de taille qu’il convient de relever pour que l’IA appliquée à la santé soit à la fois sûre et efficace.  

Le chemin à parcourir dans le domaine de la santé est encore long et complexe. Si, selon moi, nous ne sommes pas près de consulter un robot plutôt qu’un médecin, il nous faut cependant garder à l’esprit que l’application la plus puissante de l’IA consiste à améliorer les capacités humaines, et non à les remplacer. Dans un contexte d’incertitude et de changement, nous devons trouver de nouveaux moyens de transformer le parcours de soins. L’intelligence, la rapidité et la fiabilité des technologies ne cessent de croître et les possibilités sont infinies si l’on entend s’assurer que les patients bénéficient des meilleurs soins possibles. De tels efforts contribueront à ce que le plein potentiel de l’IA en matière de soins et de santé publique soit exploité dans l’intérêt de chacune et de chacun. 

 

À propos de Michael Glickman 

Michael L. Glickman, fondateur et PDG, Computer Network Architects, a une longue expérience dans le secteur informatique et travaille depuis 35 ans dans le domaine des technologies de l’information appliquées aux soins de santé. Expert de renommée mondiale de l’intégration de systèmes et de l’interopérabilité sécurisée, et pionnier de l’informatique de santé en tant que membre fondateur du groupe de travail HL7 créé en 1987, Michael Glickman est également le Président de l’ISO/TC 215, Informatique de santé.

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