Genre et changements climatiques : des liens forts et indubitables
Les femmes sont en première ligne face aux changements climatiques. Leurs connaissances et leurs points de vue uniques peuvent nous aider à affronter cette crise.
La 27e Conférence des parties (COP27) à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) se tient à Charm el-Cheikh, en Égypte, du 6 au 18 novembre 2022. L’ISO et ses membres rejoignent les rangs des acteurs du changement mondial pour mettre en valeur les Normes internationales et montrer comment elles aident à matérialiser les engagements climatiques. Notre couverture de la COP27 offre une vue d’ensemble et des informations plus complètes sur les travaux de l’ISO dans ce domaine, avec des articles de fond ou des documents d’analyse portant à la réflexion.
Peu seront restés insensibles devant les images terrifiantes d’inondations et de destructions survenues cette année au Pakistan après les pluies de mousson diluviennes. Avec plus d’un tiers du pays sous les eaux au mois d’août, les images de personnes tentant de sauver leurs biens et de se procurer nourriture et eau potable ont déferlé dans les médias.
Cette catastrophe, de toute évidence liée au climat, est de celles qui se répéteront vraisemblablement de plus en plus fréquemment et intensément. Ce que les caméras n’ont toutefois pas pu montrer, ce sont les répercussions plus vastes qui se révéleront au cours des mois et des années à venir. En outre, une chose est certaine : les femmes et les filles seront touchées de manière disproportionnée par cet événement climatique extrême ; et pourtant, elles sont aussi les mieux placées pour être des agents efficaces en matière d’atténuation des changements climatiques et d’adaptation à ces derniers.
Les données sont plus éloquentes que les mots
Il devient de plus en plus évident que les questions de genre et les changements climatiques sont inextricablement – et négativement – liés. En réalité, il est même difficile de trouver un seul élément positif dans les données collectées sur les femmes et les changements climatiques. En effet, celles-ci révèlent que les femmes constituent la majorité des pauvres de ce monde et qu’elles sont généralement très dépendantes des ressources naturelles, lesquelles sont menacées par les changements climatiques. Un autre aspect du problème concerne le fait que les lois et les normes socioéconomiques contraignent les femmes à mener une existence où leurs rôles, responsabilités, droits légaux et attentes diffèrent de ceux des hommes.
Partout dans le monde, les rôles dévolus aux femmes sont davantage axés sur la famille.
Revenons brièvement au Pakistan, où il est probable que les récentes inondations deviennent un « multiplicateur de menaces », c’est-à-dire qu’elles exacerbent les problèmes, tensions et inégalités qui existaient déjà dans des environnements souvent fragiles. Par exemple, si une famille du Sind rural rencontrait déjà des difficultés pour se procurer suffisamment d’eau et de nourriture, il est très probable que les inondations auront aggravé sa situation en ajoutant de nouveaux obstacles comme la perte de biens et de bétail, ou encore la responsabilité de parents malades ou privés de leur logement.
Cela devient un problème de genre, car c’est le plus souvent aux femmes et aux filles qu’incombent la responsabilité des soins ainsi que l’approvisionnement en nourriture, en eau et en combustible. Lorsque les changements climatiques menacent les ressources, la position des femmes, déjà précaire, se détériore encore.
En effet, pour aider leur famille financièrement, les filles quittent l’école plus souvent que les garçons (et surtout sont moins susceptibles d’y retourner). À partir de ce moment s’enclenche un engrenage qui implique généralement mariage et grossesses précoces, peu (ou pas) d’opportunités d’emploi, ainsi qu’un risque accru d’abus et de violences sexuelles potentielles. Et comme si cela ne suffisait pas, les femmes sont 14 fois plus susceptibles que les hommes de mourir du fait des répercussions d’une catastrophe naturelle.
Nous ne devons pas voir cette responsabilité des soins et de l’approvisionnement en ressources comme un problème affectant uniquement les pays en développement, car partout dans le monde, les rôles dévolus aux femmes sont davantage axés sur la famille. En effet, selon un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 61,5 % des mères ayant des enfants de moins de 12 ans déclarent avoir pris en charge la majorité ou la totalité du surcroît de travail résultant de la pandémie en 2020, contre 22,4 % des pères.
Des implications plus larges
Les femmes sont sous-représentées dans tous les aspects du débat sur les changements climatiques. Même lors de la COP26 , la proportion de femmes parmi les délégués n’était que de 37 %, un nombre qui chute à 26 % si l’on prend en compte le genre des chefs et chefs adjoints de délégation. Inévitablement, la conséquence de tels niveaux de représentation est que peu de solutions climatiques sont inspirées par les femmes.
Or, lorsqu’elles ne peuvent pas faire entendre leur voix, les femmes ne sont pas en mesure de protéger leurs droits, de faire valoir des besoins différents et de préserver leur capacité à agir ou leur environnement. Cela est d’autant plus regrettable que les femmes sont souvent des agents efficaces du changement. Au niveau local, elles sont dépositaires de connaissances transmises depuis des générations, vitales pour aider leur communauté à atténuer les effets des changements climatiques et à s’y adapter. Au niveau de pouvoir le plus élevé, les femmes ont également prouvé à maintes reprises qu’elles avaient leur place dans les plus hautes instances. Ainsi, la réponse des quelques femmes leaders mondiales à la pandémie de COVID-19 a montré une approche humaine, transparente et mesurée.
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Que viennent faire les normes dans tout cela, et en quoi la prise en compte de questions liées au genre peut-elle améliorer la situation des filles dans des communautés comme celles de la province du Sind ?
ISO a mené des enquêtes afin de déterminer si ses normes actuelles tenaient compte du genre, et s’est assurée que les normes en cours d’élaboration prenaient en compte les besoins des femmes. En 2019, l’Organisation a signé la Déclaration sur les normes et l’élaboration des normes tenant compte des questions de genre dans le cadre de la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe (CEE-ONU), qui vise la prise en compte de la problématique hommes-femmes lors de l’élaboration des Normes internationales afin de faciliter et d’accélérer la réalisation d’objectifs d’inclusivité et de diversité.
Cette même année, l’ISO a dévoilé son Plan d’action pour l’égalité des sexes. La deuxième phase (2022-2025) débute désormais et vise, via un plan en cinq points, à améliorer la répartition femmes-hommes dans le processus de normalisation ainsi qu’à renforcer la prise en compte du genre dans les normes elles-mêmes.
Cet aspect est essentiel, car les normes ont au minimum deux effets : elles offrent une base solide sur laquelle élaborer les politiques, et elles touchent à de nombreux aspects de la vie quotidienne. De ce fait, si la sensibilisation au genre et sa prise en compte sont intégrées aux normes, l’effet sera démultiplié. En outre, si les femmes sont impliquées dans l’élaboration de ces normes, leurs connaissances et leurs points de vue se traduiront concrètement.
Dans d’autres domaines, les besoins des femmes doivent être mieux évalués : par exemple, la majorité des équipements de protection sont conçus pour les hommes, ce qui les rend moins sûrs pour les femmes. Par conséquent, l’implication des femmes dans l’élaboration et la révision des normes relatives à ces produits ne pourra que conduire à des changements bénéfiques.
Au niveau de pouvoir le plus élevé, les femmes ont prouvé à maintes reprises qu’elles avaient leur place dans les plus hautes instances.
Enfin, les normes contribueront à changer le statut des filles et des femmes, comme celles de notre famille du Sind, en faisant d’elles non plus des victimes des changements climatiques mais bien des agentes et des promotrices de l’adaptation aux changements climatiques comme de l’atténuation de leurs effets. Lorsqu’elles disposent d’un accès égal au processus décisionnel, les femmes font des choix plus durables, comme l’amélioration de l’assiduité scolaire des enfants, le renforcement de la sécurité alimentaire, le choix de schémas de mobilité plus respectueux de l’environnement ou encore la réduction de la demande en énergie. Leur expérience et leurs points de vue uniques sur les défis comme les solutions créent les conditions d’une réponse plus ambitieuse, plus innovante et plus juste aux changements climatiques.
L’ISO a pris conscience que la mise au point de solutions face aux changements climatiques était l’affaire de tous, et ses efforts pour créer des normes plus inclusives ouvrent la voie à la concrétisation de cet objectif.